Colloque International: Sémiotique du religieux : entre mystique et politique. Hommage à Louis Panier

Colloque International: Sémiotique du religieux : entre mystique et politique. Hommage à Louis Panier

Colloque International, 23-25 mars 2023. Université Paris Cité

« Sémiotique du religieux : entre mystique et politique » (Hommage à Louis Panier)

TEXTE D’ORIENTATION

APPEL À COMMUNICATION

 « Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas ». Peu importe que ce pronostic prêté à André Malraux soit authentique, il circule, et il porte avec lui une incontestable efficacité véridictoire. Comme est incontestable aussi l’intensification des interférences entre le politique et le religieux dont témoignent les vingt premières années de ce siècle : les événements les plus dramatiques l’attestent, tant individuels que collectifs. Ce constat suffirait à motiver un questionnement sémiotique renouvelé sur les significations qui se trament entre les deux univers de croyance, de discours et d’action que sont, chacun dans sa sphère sociale et culturelle, le monde du religieux et celui du politique.

 

1.  Genèse et problématique

Pourtant, la proposition de colloque présentée ici a un autre point de départ : celui des travaux sémiotiques menés depuis quatre décennies au sein du Centre pour l’Analyse du Discours Religieux (CADIR) à Lyon, dont Louis Panier a été pendant des années un des principaux animateurs et dont la revue Sémiotique et Bible est la vitrine. Comme l’indique son intitulé, les travaux de ce groupe ont pour centre de gravité la pratique de l’analyse textuelle, issue des propositions théoriques et méthodologiques de la sémiotique greimassienne. Les grandes questions posées sur le statut de la Parole rapportée à l’énonciation, sur la figurativité dans le discours de la parabole, sur les relations entre description analytique et démarche herméneutique, sur les interrogations théologiques et plus largement sur les débats entre sémiotique du texte religieux et exégèse, ont toujours été guidées et encadrées par une réflexion, elle-même évolutive, fondée sur la théorie du langage, sur sa visée scientifique et sur son opérationnalité dans l’analyse des textes religieux.

Rendre hommage à l’œuvre de Louis Panier implique que notre démarche s’inscrive, en les prolongeant ou même en les critiquant, dans les principes et les références théoriques qui l’ont lui- même inspiré – c’est la part de fidélité. Mais cela nous invite également à construire de nouveaux objets de réflexion et à interroger, comme Louis Panier lui-même le faisait, la sémiotique du texte, de l’énonciation et du social au-delà du religieux – c’est la part de création.

C’est pourquoi nous partons de cette hypothèse que le religieux contemporain serait caractérisé par des polarités extrêmes en tension que l’approche sémiotique peut se donner pour tâche d’explorer et de mieux comprendre : d’un côté, la polarité mystique et de l’autre la polarité politique. La première, théologique au sens large, inclut le mysticisme, la spiritualité, la croyance et les valeurs, la dimension métaphysique et le discours doctrinal savant. Dans ce champ, outre sa thèse publiée en 1991 sur Récit et commentaire de la Tentation de Jésus au désert, Louis Panier a publié de nombreux ouvrages et des travaux dont le plus récent, remarquable, porte sur la « théologie négative » ou apophatique (2012)1. La seconde, la polarité politique, comprend la question du pouvoir, l’univers socio-économique de la valeur, les projections de l’organisation et des interactions sociales, la dimension temporelle de l’engagement, le problème du conflit et celui de la violence liée à

 

1 Louis PANIER, « Quelques notes sur la « théologie négative » - incidences sémiotiques », Actes Sémiotiques [En ligne], 115, 2012, consulté le 03/04/2020, URL : https://www.unilim.fr/actes-semiotiques/2486

 

l’extrémisme. Entre ces deux séries imparfaites et à la croisée des deux domaines, on voit le chiasme se former : la croyance dans le champ politique, le pouvoir dans le champ religieux.

 

2.  Une relation tensive

L’approche de cette relation entre les deux pôles peut être envisagée de manière tensive2. On pourrait alors l’appréhender progressivement, en partant des oppositions les plus intenses, celles des termes les plus incompatibles – les sur-contraires – pour aller graduellement vers des termes dont l’opposition s’atténue – les sous-contraires – et finit même par s’imposer comme simple coexistence, voire comme complémentarité.

Ainsi, l’expérience mystique, avec sa dimension individuelle d’intériorité et ses pratiques de la contemplation – langagières et hors-langage –, se trouverait à l’extrémité d’un axe où l’autre extrémité serait occupée par l’engagement le plus radical dans l’action politique,  incluant notamment le terrorisme au nom du religieux. A un deuxième niveau, on trouverait l’opposition entre l’expérience socio-politique incorporée au religieux, résultant de l’assomption de ses valeurs cruciales (la Théologie de la Libération par exemple), et le pouvoir politique comme dispositif de domination et d’exploitation pouvant s’adosser ou non à un horizon religieux. A un troisième niveau, celui de la complémentarité, on observerait les formes religieuses qui fusionnent avec les formes politiques, celles-ci assurant en quelque sorte les programmes d’usage lorsque celles-là apparaissent comme détentrices du programme de base, celui de la transcendance.

Cette mise en place cavalière et provisoire des relations entre religion et politique n’a pour but que d’esquisser les contours sémiotiques de la problématique, en partant de ce qui forme le noyau conjoint du discours et de l’expérience : la dimension mystique.

La relation entre ces deux pôles – mystique et politique – n’est certes pas nouvelle. Sans remonter aux formes historiques fusionnelles des deux premières fonctions duméziliennes (la souveraineté magique et religieuse d’un côté, la force militaire et politique de l’autre), on peut trouver la trame de ce qui les relie dans les œuvres de penseurs importants du XXe siècle. Ainsi Charles Péguy, dans Notre jeunesse écrit ces phrases bien connues : « Tout commence en mystique et finit en politique. Tout commence par la mystique, par une mystique, par sa (propre) mystique et tout finit par de la politique ». Propos qui appelleraient un commentaire sur la définition des mots et surtout sur le jeu des déterminants ; mais quelques lignes plus loin le rapport entre les deux termes est narrativisé, imposant alors le cœur du motif : « L’intérêt, la question, l’essentiel est que dans chaque ordredans chaque systèmela mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance. »3

Bien d’autres références pourraient être sollicitées pour analyser ces relations entre les deux pôles, qu’on les appréhende sur le mode tensif ou non : on peut penser aux catégorisations élémentaires du sacré et du profane, du surnaturel et du mondain, de l’au-delà et de l’ici-bas dont la réversibilité des termes a été envisagée ; à la dimension énonciative et performative de l’expérience mystique, comme chez Michel de Certeau dans La Fable mystique 4 ; au problème de la figurativisation et de la confrontation des deux figures du corps, « celle du corps royal et celle du corps divin, pour les lier l’une à l’autre indissolublement », comme l’écrit Louis Marin dans « De la figurabilité de l’absolu politique »5 ; à l’hypothèse, analysée et discutée par Yves-Charles Zarka, selon laquelle  tous  les  concepts  centraux  de  la  théorie  moderne  de  l’État  seraient  « des  concepts

 

 

2 Nous faisons ici référence aux travaux de Claude Zilberberg sur ce qu’il appelle « le point de vue tensif ». Voir

  1. Zilberberg, Éléments de grammaire tensive, Limoges, Pulim, 2006.

3 Ch. Péguy, Notre jeunesse (Douzième cahier de la onzième série, 12 juillet 1910), Œuvres en prose. 1909-1914 (éd. Marcel Péguy), Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1957, p. 516. Les italiques et les gras viennent du texte original.

4 M. de Certeau, La fable mystique. XVIe-XVIIe siècles, Paris, Gallimard, 1982.

5 L. Marin, « De la figurabilité de l’absolu politique » in F. Borel éd., Le corps-spectacle, Bruxelles, Éditions de l’Université, 1987, p. 175-197.

 

théologiques sécularisés », exprimant ainsi, à ses yeux, un des vecteurs « au XXe et au début du XXIe siècle de tentatives de resacralisation du politique ».6

À peine esquissées ici, les voies de recherche entre ces deux polarités – mystique et politique – sont assez nombreuses pour faire l’objet d’une interrogation à la fois analytique et prospective renouvelée, sous le regard propre à la sémiotique. Celle-ci s’attache notamment, et prioritairement dans les domaines qui nous intéressent ici, à l’écran du langage comme filtre essentiel de la signification, ce qui, d’une part, focalise ce regard sur la culture des textes, leur lecture et la question énonciative, et, d’autre part, conduit à poser la question de la transmission, depuis la pédagogie de la sémiotique du texte « sacré » jusqu’aux modalités d’adhésion aux discours religieux.

 

  1. Axes de recherche et de communications

A partir de ces repères et autour de cette double polarité mystique et politique, plusieurs axes de recherche définissent des espaces thématiques pour les communications, qu’elles relèvent de l’analyse du discours religieux, de la socio- ou de l’ethno-sémiotique, des rapports entre sémiotique et philosophie, théologie ou science politique. Ils s’inscrivent dans trois questions assez générales pour les accueillir, sans préjuger d’autres directions possibles que les intervenants pourront suggérer dans leurs propositions d’intervention.

 

1.  La question énonciative

  • Credo. Les modalités fondatrices et leurs ramifications passionnelles : la foi, le doute, la conviction, l’adhésion, l’enthousiasme ; le croire et le
  • La distinction texte / écriture / discours dans leurs relations respectives avec le sacré et le

profane. Exégèse et commentaire.

  • L’image dans le religieux : iconoclastie, iconophilie ; « l’image invisible ».
  • La question du sujet, entre énonciation (figuralité) et répétition (figurativité, rituel, rites) à la croisée du politique et du
  • Théologie et idéologie.

 

2.  La question de l’engagement

  • L’intime et le public : le statut passionnel et mystique de l’Amour ; les tensions entre conviction et communication (charisme, rayonnement, militantisme).
  • Religion, conflit et violence politique : leurs ressorts, leurs manifestations, leurs justifications, leurs effets, entre histoire et devenir. Le blasphème et l’offense religieuse. L’hérésie. La guerre
  • Religion et laïcité : définitions de la laïcité, confrontations, histoire, extension géo-politique et
  • Mystique et mysticisme : leurs définitions, leurs sujets, leurs objets, leurs formes et leurs

 

3.  La question de la transmission

  • Transmission et conversion : les stratégies (pédagogiques, militantes, ...) et les finalités ; domaines, formes et modalités de la
  • Médiatisation et prosélytisme : les formes de l’influence et de la manipulation, les supports et les médias numériques, les réseaux La prédication.
  • Positionnement de sujets,  rôles  thématiques  et  passionnels :  lecteur,  croyant,  

Définition et statut du collectif.

 

 

6 Y.-Ch. Zarka, « Pour une critique de toute théologie politique », in L. Langlois et al., Les philosophes et la question de Dieu, Paris, PUF, 2006, p. 383-409 (citation p. 383).

 

Les propositions de communication – titre, résumé (1500 à 2000 signes) – devront être transmises au comité d’organisation du colloque, à l’adresse suivante :

Αυτή η διεύθυνση Email προστατεύεται από τους αυτοματισμούς αποστολέων ανεπιθύμητων μηνυμάτων. Χρειάζεται να ενεργοποιήσετε τη JavaScript για να μπορέσετε να τη δείτε.

avant le 14 juillet 2022

 

COMITÉ D’ORGANISATION

Heloisa Akabane, Université Paris Cité

Juan Alonso Aldama, Université de Paris Cité Denis Bertrand, Université Paris 8

Valérie Brunetière, Université de Paris Michel Costantini, Université Paris 8

Ivan Darrault-Harris, Université de Limoges Bruno Gelas, Université Lyon 2

Jean-Claude Giroud, CADIR - Lyon Nada Issa, Université Lyon 2 Odile Le Guern, Université Lyon 2

Marika Nesi Lammardo, Université Paris Cité Marie-Claude Panier, CADIR

George Vasilakis, UCLy-CADIR

 

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Yves-Charles Zarka, Université Paris Cité George Vasilakis, UCLy-CADIR

Maria Luisa Solis, Université de Puebla Marie-Claude Panier, CADIR, Lyon

Massimo Leone, Centre pour les Études Religieuses, Fondation B. Kessler (Trente), Univ. Turin et Shanghai Odile Le Guern, Université Lyon 2

Nada Issa, Université Lyon 2 Jean-Claude Giroud, CADIR, Lyon Bruno Gelas, Université Lyon 2

Jacques Fontanille, Université de Limoges Ivan Darrault-Harris, Université de Limoges Joël Clerget, psychanalyste

Jean-François Bordron, Université de Limoges Verónica Estay Stange, SciencesPo-Paris Maria Giulia Dondero, FNRS Liège

Anne Beyaert-Geslin, Université Bordeaux Montaigne Marion Colas-Blaise, Université de Luxembourg Bernard Darras, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne Nicolas Couegnas, Université de Limoges. CeReS Michel Costantini, Université Paris 8

Johan Chapoutot, Sorbonne Université Hugues de Chanay, Université Lyon 2 Valérie Brunetière, Université de Paris Cité Denis Bertrand, Université Paris 8

Sémir Badir, FNRS Belgique - Université de Liège